Top 5 des idées reçues sur la médecine à abolir en urgence




                      Sarra LAMARA-MOHAMMED

Las de la vie estudiantine ? Et si on faisait un bond dans le temps ? Les pendules ont été réajustées, les calendriers rectifiés et c’est, à présent, l’été. Vous jouissez du statut de bachelier fraîchement acquis, votre diplôme en poche et votre fiche de vœux sous les yeux, vous placez médecine sciemment- ou du moins, vous le pensez- en tête de liste. Et pourtant, cette décision que vous croyez lucide et mûrement réfléchie n’a peut-être pas échappé à l’influence de votre entourage. D’autant plus que quand la médecine est au cœur du débat, tout le monde semble avoir une opinion tranchée. Tout le monde et surtout ceux hors du corps médical. Que ce soit les voisins du quartier, les camarades du lycée ou les cousins et cousines croisés aux réunions familiales, tous ne manqueront pas d’aiguiller votre perspective de la carrière qui vous est promise. Vous embarquez donc dans cette épopée lourdement biaisés. Mais à présent que la locomotive est lancée, qu’en est-il vraiment ? Au sein de ce pêle-mêle d’idées adverses, il peut être ardu de voir clair. C’est pourquoi, afin de dissiper ce nuage de préjugés hétéroclites enveloppant la médecine, une sélection d’idées préconçues vous est proposée :

« Une fois que tu auras ton diplôme de généraliste/ spécialiste/ assistant / maître assistant/ ...tu seras tranquille » 


Cette conception impliquant une destination finale à votre périple est absolument fausse. S’engager en médecine revient à signer un contrat à vie. Un pacte implicite stipulant que vous incarnerez le rôle de l’éternel apprenti. En effet, ce secteur évoluant à une vitesse fulgurante, nécessite un effort de mise à jour permanent. De nouvelles recommandations, de nouveaux procédés, de nouveaux essais cliniques et de nouvelles thérapeutiques voient constamment le jour. C’est pourquoi, il est fondamental de cultiver en soi une curiosité insatiable, une âme d’aventurier et un goût prononcé pour le challenge. Lutter contre la paresse intellectuelle est d’une importance capitale. Loin de l’insécurité qu’éprouvent certains au cours du processus d’apprentissage, il faut plutôt voir dans l’acquisition d’une compétence nouvelle quelque chose de stimulant, à l’opposé du marasme et de la torpeur létale accompagnant les manœuvres usuelles, routinières et machinales. Autrement dit, il faut développer en soi le désir ardent de se repousser dans ses retranchements, de se surpasser continuellement, de se frotter à de nouveaux défis, de s’essayer à des expériences inédites. En bref, gardez-vous de convoiter frénétiquement la ligne d’arrivée, d’aspirer aveuglément au présumé Saint Graal de fin de cursus. Il serait bien plus judicieux de vous éprendre de votre odyssée en elle-même, de vous passionner pour votre quête et sa portée.  En effet, maintenant que l’ancre est levée, vous ne foulerez guère la terre ferme de sitôt, apprenez donc à vous délecter de la vue !


« La médecine est très dure ! » 

Cette allégation n’est pas nécessairement avérée, dans la mesure où les sciences médicales ne sont pas qualitativement complexes à appréhender mais plutôt quantitativement considérables. En effet, les sciences de la santé n’ont rien d’abscons ou d’abstrus. C’est plutôt la profusion des informations à assimiler qui est écrasante. Devant l’ampleur de cette tâche qui peut en accabler plus d’un, il est indispensable d’être méthodique. Le but n’étant pas de travailler dur mais intelligemment. Dans un monde qui évolue à pas de géant, l’optimisation et l’efficience sont de rigueur. C’est pourquoi, avant de se hâter d’étudier, il faut prendre le temps de jauger sa façon de procéder et en déceler les lacunes. Le meilleur des apprentissages commence par l’apprentissage d’un meilleur apprentissage. Nous vivons dans une ère sans précédent où l’accès à l’information est illimité. Astuces mnémotechniques, méthodes d’optimisation de son temps, discours de motivation, partage de témoignages et d’expériences personnelles, applications en tous genres, en effet, la toile foisonne de contenu visant à maximiser votre rendement tout en minimisant l’effort dédié. Il suffit de tendre le bras et tout est à portée de clic, servez-vous !

« Là où commence la médecine, se termine votre vie extra-universitaire » 

Ceci est le pire mensonge qu’on puisse vous faire avaler. Certes, faire preuve de dévouement et d’engagement est une démarche louable mais en aucun cas cela signifie renoncer à toute activité qui vous donne un souffle de vie. Dépeindre la médecine comme un bourreau qui va inhumer vos loisirs est une ineptie sans nom. Bien au contraire, l’âpreté de ces études et le surmenage qu’elles peuvent entrainer imposent justement un exutoire où se réfugier. Ce dernier peut revêtir plusieurs aspects. Que ce soit une passion qui vous tient à cœur, la compagnie de vos êtres chers ou encore l’opportunité de vous retrouver avec vous-mêmes. Il est nécessaire de maintenir une activité par laquelle vous vous ressourcez et puisez la force d’aller de l’avant. Ce qui rejoint le point évoqué tantôt concernant l’importance de l’optimisation de son temps. Après tout, un individu épanoui ne peut être qu’un meilleur docteur.

« Deviens médecin et tu rouleras sur des lingots d’or » 

Ces promesses de faste et de prestige émanent clairement de quelqu’un qui n’a jamais mis les pieds dans une chambre de garde ou goûté aux repas servis aux médecins. En admettant bien sûr qu’il y ait où dormir et de quoi se sustenter. Quand ces pièces existent, il s’agit de chambres vétustes pourvues de matelas- à supposer qu’il y en ait- noircis, sales et usés.  Certes, il va sans dire que l’exercice d’une profession libérale et certains choix de carrière demeurent plus lucratifs que d’autres. Mais pour ceux dont la motivation est foncièrement de nature pécuniaire, il existe des métiers qui sont relativement moins astreignants et coercitifs, plus rentables et ce, beaucoup plus tôt. D’où l’importance de cultiver un intérêt authentique pour la médecine. Que ce soit un besoin de philanthropie et d’altruisme ou un simple amour pour les devinettes et les énigmes non élucidées en passant par la fierté d’être les seuls, outre Dieu, à manier les viscères des gens, il appartient à chacun de trouver sa motivation inhérente et propre à lui.

« La médecine est un concentré de parcoeurisme » 

 Cette supputation résulte de plusieurs facteurs qu’on va s’efforcer de décortiquer dans ce qui suit :
Tout d’abord, ce préjugé est imputable à l’abondance du contenu descriptif que revêtissent les études médicales. L’anatomie, l’histologie, l’anatomopathologie,… autant de modules qui, de prime abord, relèvent plus de la mémorisation que de la compréhension. Ou du moins, c’est ce qu’on pourrait croire quand on les aborde isolément. Or, lorsqu’on les couple à la physiologie, le tout, s’imbrique harmonieusement. Par exemple, si l’on cible l’étude d’un organe donné et qu’on connecte sa configuration macroscopique -c’est-à-dire son anatomie- à ses propriétés tissulaires microscopiques -à savoir son histologie-, son fonctionnement, en d’autres termes : sa physiologie, ne peut qu’en découler plus naturellement. Hélas, l’une des aberrations de notre système éducatif consiste à ce que ces modules, qui ne sont rien d’autres que les différentes facettes d’une même monnaie, soient enseignés isolément. A titre d’exemple, la physiologie du système nerveux est développée au premier trimestre tandis que son anatomie ne sera enseignée qu’en fin d’année alors que les deux sont absolument indissociables. Ainsi, au lieu d’avoir une perspective globale et plusieurs angles de vue complémentaires du même phénomène, vous vous retrouvez à collecter aléatoirement des données éparses.  Fatalement, ces informations disloquées que vous vous efforcerez à mémoriser constituent pourtant les pans d’une même toile, d’un même tableau. En effet, une fois toutes les pièces du puzzle en votre possession, le tout formera un ensemble plus cohérent et sensé.
Par ailleurs, outre la coordination des modules qui fait défaut, il est à souligner que les modalités d’examination actuelles tendent aussi à évaluer la mémoire plutôt que le raisonnement. Ce qui renforce ce préjugé du parcoeurisme.

Enfin, il va sans dire que certains phénomènes dans le corps humain, ne sont pas encore totalement appréhendés. Beaucoup de pathologies relèvent, aujourd’hui encore, de l’idiopathique et du cryptogénique. Ce qui impose parfois de les admettre ainsi même si on n’en maitrise pas la quintessence. Mais n’est-ce pas ce qui rend la médecine fascinante, en ouvrant le champ des possibles à la recherche et la prospection ? Notre savoir et notre connaissance des sciences médicales demeurent incomplets et perfectibles. Mais c’est bien au sein de ces interstices et ces lacunes que tout le génie humain s’active et opère. On conçoit bien que l’univers est régi par des lois physiques et mathématiques rationnelles et logiques. Le corps humain, une œuvre éminemment magistrale, ne déroge point à cette règle. Et tels les recoins obscures du cosmos encore non explorés, l’organisme humain abrite, lui aussi, moult zones d’ombres.  A ces questions exemptes de réponses, il vous appartient à vous de les trouver.

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