Psychologie thérapeutique
Arfi Souhila
Introduction
Quoi de plus précieux dans
cette vie que la « vie » elle
–même et que ce corps qui nous permet de la savourer
pleinement ; Quoi de plus
alarmant que de savoir ce dernier atteint d’un mal qui pourrait nous en
détacher. Savoir son corps en difficulté et affronter ses appels à l’aide n’a
jamais été chose facile. Un résultat
d’examens médicaux en faveur d’une maladie qui soit chronique ou aigue, bénigne
ou maligne sera toujours à l’origine
d’une montagne russe émotionnelle auprès
du malade. Stress, angoisse, anxiété
allant parfois jusqu’à la dépression… une onde de négativité est générée.
Cette dernière pourra certes être
vaincue, ou au contraire prendre le dessus en fonction d’une variante dont
l’importance s’avère être capitale : l’encadrement psychologique
du malade !
Autrefois, vu comme
une « métaphysique du mal » aussi bien par les malades que par
les médecins, la maladie fut longtemps considérée
comme une malédiction due à un état de déséquilibre dans l’organisme. Le temps
de ce langage étant définitivement révolu ; la maladie est de nos jours assimilée
à un tiers imaginaire entre le malade et
le médecin auquel chacun des deux
attribue une conception différente. En effet, un médecin ou tout autre membre
du corps médical, possède une approche de la maladie qu’il construit en
fonction de sa formation et de son milieu professionnel. Le malade, quant à lui,
crée une image de cette même maladie basée sur des croyances et renforcée par
des informations piochées dans différentes sources mais surtout guidée par ses
émotions. Ce décalage noté du côté du malade peut alors être à l’origine d’un « mal-être » psychique et émotionnel ressenti
par ce dernier.
La médecine moderne ne cesse de voir, depuis plusieurs
années, de plus en plus de progrès dans le cadre de ses pratiques. Cependant, elle fait également
face à certains défis, dont : le cloisonnement de ses acteurs dans leurs rôles étroits. En
effet, tous déclinent la responsabilité
de la prise en charge psychologique du malade. Pourtant, les résultats
démontrent que l’application des
meilleures techniques médicales est plus susceptible d’être confrontée à un échec
si un processus psychologique, favorisant un environnement adéquat,
n’est pas entrepris en parallèle.
La psychologie médicale, l’une des disciplines fondamentales
de la médecine, consiste en l’étude
globale somatique de la personne,
dont : tout ce qui englobe l’état psychique, social et relationnel
en particulier avec son soignant.
Suite aux travaux du psychiatre
hongrois Michael Balint, la psychologie médicale est désormais
directement rapportée à la
compréhension des significations conscientes et inconscientes de la relation
médecin-malade. Les travaux du psychanalyste l’ont mené à tirer la conclusion que « le médecin
est un remède en soi ». Persuadé que les bases de la relation
médecin-malade ne peuvent être enseignées correctement par le biais de cours
magistraux ; Balint eut l’idée de créer une société médicale. Cette
dernière propose un concept dénommé : « les groupes Balint ».
Les groupes Balint sont formés
d’une douzaine de soignants et guidés par deux leaders de formation psychanalytique.
A chaque séance, l’un des soignants
propose un cas clinique critique qu’il a à sa charge. Les autres membres
interagissent avec ce dernier en le questionnant, ce qui permet au narrateur
d’éclairer sa relation avec son patient et aux participants d’acquérir une
certaine expérience d’approche psychologique. Les leaders, quant à eux, se
chargent d’assurer l’acheminement des soignants vers le rapport avec leur
inconscient qui peut être responsable d’une implication émotionnelle. Au-delà des médecins,
les groupes Balint sont une expérience ouverte à toute personne se trouvant impliquée
dans des processus de soins.
Il est important de souligner que
la psychologie médicale est souvent confondue avec psychologie pathologique. Cette dernière se
définit comme une pratique médicale ayant pour objet les différents troubles
mentaux pouvant toucher une personne saine ou malade. Elle se base sur une comparaison du
fonctionnement d’un sujet normal et son homologue malade.
La psychologie médicale dans la relation
médecin-malade
Quel que soit l’acte médical
envisagé ou en cours, la communication médecin-malade est une donnée non
négligeable à inclure dans le processus thérapeutique. Cette communication
passe à la fois par une voie verbale et non verbale.
La communication verbale se fait
par l’intermédiaire d’un dialogue échangé entre le médecin et son patient lors d’un entretien
médical. Durant cet entretien, le soignant doit alterner entre un temps de
questionnement nécessaire au diagnostic, et un temps d’écoute. La communication
doit impérativement être adaptée par le
médecin au niveau socio-culturel du patient.
La communication non verbale
quant à elle, se définit par l’ensemble des gestuelles, regards, intonations de voix
et émotions dégagés par les deux parties. Cette communication laisse libre
cours au malade pour exprimer aussi bien ses peurs que ses inquiétudes et
frustrations vis-à-vis de sa maladie.
Cependant, elle exige au médecin une neutralité et une maitrise de ses
réactions tout en mettant le doigt sur les inquiétudes du
malade et en décodant son langage afin
de répondre à ce qui semble être sa demande la plus forte dans le but ultime de le réconforter et le
rassurer.
Les tentatives
d’adaptation du malade à sa maladie
nécessitent une mobilisation de l’énergie psychique, pouvant ainsi
induire un certain nombre de réactions.
Chaque maladie
déclenche chez le sujet de nouvelles modifications psychologiques et donc comportementales. Le médecin doit être
apte à reconnaitre ces modifications
ainsi que leurs origines afin d’y adapter son approche pour le bon déroulement
du traitement. L’ensemble des changements
notés ne sont, en vrai, qu’un mécanisme de défense psychologique adopté
par le subconscient. Ces derniers sont expliqués par le modèle du
« coping ».
Le modèle du
coping, issu des théories cognitivo-comportementales considère les
changements psychologiques comme une
réaction adaptative à un stimulus extérieur qui est le stress généré par l’annonce de la maladie. Ces
stratégies d’adaptation à ce stress peuvent se manifester des façons suivantes :
·
Le déni et le
déplacement : en dépit des résultats et examens en faveur de la présence
de la maladie, le patient refuse de reconnaitre cette réalité et d’y faire
face. Il préfère alors enfouir sa souffrance et fuir son affrontement avec ses
maux en se focalisant sur d’autres aspects superficiels tels que les effets
secondaires du traitement.
·
La régression : cette
réaction est fonction de la gravité de la maladie mais surtout de la
personnalité du malade. Etant un processus normal suite au diagnostic, ce dernier
devient inquiétant s’il n’est pas suivi par une reprise d’autonomie nécessaire
à la guérison.
·
Les rites
obsessionnels : le malade, dans une tentative de maîtrise de sa maladie,
s’engage à respecter toutes les prescriptions et suivre l’évolution de sa pathologie rigoureusement. cette obsession est guidée par le gage de la guérison comme corollaire à ces
efforts.
·
L’agressivité :
certains malades déversent leur amertume en adoptant
un comportement agressif envers leurs soignants ou leurs proches, dans le but
de se protéger contre l’angoisse.
Cette
agressivité est justifiée par
« l’incompétence » des médecins et l’implication affective
« insuffisante » des proches.
·
La combativité : le
malade se sert de l’épreuve qu’il traverse
pour se surpasser. Cette dernière donne naissance, dans certains cas, à
une énergie et un dynamisme considérable.
Certains se tournent alors vers le don de soi par le biais de création
d’associations ou même l’écriture d’un livre. le but de cette lutte est alors expliqué
par la volonté de vivre intensément le moment présent pour atténuer les
souffrances à venir.
·
Le « clivage du
moi » : employé par
FREUD pour désigner la coexistence de deux attitudes psychiques au sein du
moi ; le clivage du moi se manifeste chez les malades suite à des rechutes
itératives ou de nouvelles douleurs. Le patient est alors habité, à la fois,
par un espoir et un désespoir. Suite à ce clivage, le malade demande un nouveau
traitement pour se rassurer tout cela dans sa démarche animée par le besoin de
protection à l’égard de développement de sa maladie.
Au cœur de la
consultation
Durant l’entretien,
le médecin devra, avant toute chose, se munir de critères affectifs lui
permettant un échange convenable avec son patient. Doivent alors être retenues
à l’égard du malade : la compassion et l’empathie. Par ce comportement, le
médecin montrera à son patient sa présence et sa bienveillance, ce qui lui
permet de mener sa consultation dans des conditions de confort psychologique.
Le médecin doit
également faire preuve d’humilité pour pouvoir reconnaitre et être conscient
des limites de toute connaissance. Enfin, la prudence permet un calcul des
risques engendrés par les moyens thérapeutiques choisis
mais aussi les investigations entreprises qui ne doivent, en aucun cas, être
condamnables, comme le dit si bien le Dr François Rabelais :
« Science
sans conscience n’est que ruine de l’âme. »
Pour mener cet
échange, le praticien aura à sa disposition différents moyens de communication.
La parole est
évidemment en tête de liste de ces derniers. Elle est associée au ton de la
voix ainsi qu’à la gestuelle et à l’expression du visage. L’échange verbal doit
être clair et précis. Toute tentative de silence ou d’hésitation sera responsable
de la panique du patient par leur perception d’un climat d’angoisse. L’échange
verbal se concrétise alors par une communication écrite suite à la rédaction
d’une prescription, un certificat ou
tout autre document médical. Les informations écrites doivent être interprétées
au fur et à mesure par le médecin dans le but d’éviter tout doute
d’interprétation ou éventuelle confusion.
Durant sa
carrière, un médecin est confronté à une
répétition des cas auxquels il a déjà fait face notamment sur le plan
psychologique. Les attitudes à adopter se répètent également et se font alors d’une façon plus spontanée.
Parmi les
situations pratiques fréquentes, on cite :
·
Face à l’angoisse :
l’attitude la plus adaptée pour faire face à l’angoisse de son patient est
l’écoute bienveillante. La communication est alors centrée sur les
préoccupations du malade et guidée par une réassurance constante de ce dernier.
·
Face à l’agressivité :
certains médecins tolèrent mal les attitudes agressives de leurs patients et y
réagissent d’une façon non similaire mais qui reste cependant agressive.
l’attitude la plus adaptée à ce profil reste l’ouverture sur le dialogue en
dépit des attaques, sans pour autant
chercher à mener l’échange vers le rationnel.
·
Face à l’hypocondrie :
maladie psychique de cause non organique. L’hypocondrie est une véritable maladie qui fait penser ironiquement
au « malade imaginaire » de Molière. Une personne hypocondriaque fait preuve d’une peur maladive de développer
une pathologie. Pour y faire face, le médecin devra éviter d’entrer dans une
spirale d’inquiétude en refusant la surenchère
de médicalisation qui pérenniserait ce trouble.
·
Patient histrionique : une personne histrionique est définie
par l’association américaine de psychiatrie (AAP) comme un personnage souffrant d’un trouble
émotionnel se manifestant par un besoin exagéré d’attention. Cette demande excessive d’attention peut se
voir avec le personnel de santé. La personne histrionique trouvera nécessaire
consulter à plusieurs reprises son médecin refusant toute tentative de guérison
qui représente pour elle une rupture du lien affectif avec ce dernier. Pour
empêcher cette rupture, le patient entre alors dans un engrenage
d’hospitalisations abusives sous prétexte d’iatrogénicité que le médecin devra
prévenir.
·
Effet placebo : un
placebo est une substance inerte pharmacologiquement , susceptible de modifier
l’état du malade. Un placebo peut alors être positif
« placebo-positif » et améliorer ainsi l’état, ou encore
négatif «effet nocebo » en induisant des effets indésirables.
L’effet placebo dépend de facteurs tels que sa présentation et la modalité des prises…
Les sujets
placebo répondeurs sont les sujets sociables et extravertis avec une attente
par rapport aux effets du traitement. Le rôle du médecin réside alors dans l’influence de cette réponse par
l’entretient d’une relation positive.
Comme tout être
humain, il est légitime qu’un médecin redoute certaines émotions réactionnelles
de ses malades ou porte en lui une peur sous-jacente par rapport à elles.
Il n’est jamais facile de faire
face à l’effondrement psychologique de la personne concernée ou de sa famille
notamment suite à L’annonce de cette
nouvelle représente bien plus qu’un point de départ pour
« une étape importante » de la vie du patient en particulier si le
résultat est grave ou incertain. En urgence, l’importance de l’annonce du
diagnostic diminue car l’échange d’information se fait à chaud et le patient
fait généralement preuve d’une surdité émotionnelle. Contrairement à l’urgence,
une annonce en consultation constitue
un véritable échange dont le message doit être adapté à la structure mentale du
patient.
Conclusion :
Durant de
nombreuses années, la médecine s’est basée sur le dualisme cartésien pour construire ses relations. Descartes affirme dans sa théorie du dualisme l’existence de deux
substances indépendantes : le corps d’une part, et l’âme de l’autre.
Cette vision entraina une considération
du corps du malade lors de son traitement d’une façon indépendante de
son esprit.
Désormais, ce
dualisme a été troqué contre le monisme moderne. Le monisme, contrairement à
son homologue, considère le malade comme étant une personne humaine avec des
aspects biologiques et psychologiques en interactions, d’où l’importance de la prise en charge
psychologique.
La relation
médecin malade est souvent régie par des aspects scientifiques et
techniques. Cette technicité représente, certes, une base du corpus de
connaissances scientifiques, mais aussi un masque pour échapper à la relation
psychologique.
Ayant le rôle
d’un tiers compétent, neutre et étayant, le médecin doit accorder de
l’importance à son rôle psychologique qui s’avère être passionnant si maitrisé.
·
Références
bibliographiques :
- La maladie entre illness et disease ; quelle conception de la maladie pour quelle santé ? de Philippe Svandra – philosophie ch
- Psychologie médicale, Pr Marie Cardine, université Claude Bernard Lyon.
- Bases psychopathologiques de la psychologie médicale – collège national des universitaires en psychiatrie- CHU Angers- M. Escandre.
- Dictionnaire de la psychiatrie – Pierre Tuillet – CILF édition – juin 2000.
- Psychologie médicale – Pr : Angelique Bonnaud Antignac – Université numérique francophone des sciences de la santé et du sport unf3s.
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