Système de santé à Cuba
ZERROUK Racha & DEGHI Walid.
Climat tropical, destination exotique et paysages polychromes, tant d’attraits
touristiques emblématiques d’un patelin bouillonnant d’énergie et de saveurs
latines : Cuba. Pourtant, cet état insulaire est bien plus qu’une île perdue des Caraïbes et nous introduit plus
d’une fois aux couleurs de la nation sous divers angles : ferveur
révolutionnaire, dictature anthracite et utopie communiste, l’historique cubain ne
manque pas d’assouvir la gourmandise des férues d’histoire et de politique.
Dans cet engouement effervescent se dessine néanmoins des valeurs indissolubles
qui marqueront l’évolution des fondations du pays, dont un élément
crucial : Le secteur médical.
L’exécution du révolutionnaire
Che Guevara fut un point marquant dans l’histoire cubaine. Une apothéose
orchestrée par une armée bolivienne déterminée, renforcée par l’appui de la
CIA. Le leader des guérillas est alors supprimé par le soldat Bolivien Mario Teran
en 1967. L’exécuteur à la fois adulé de ces patriotes et maudits des
socialistes cubains est vite rattrapé par l’ironie de l’histoire 4 décennies
plus tard lorsqu’une cataracte menace sa vue. Une intervention chirurgicale
s’impose et s’applique aussitôt dans un
cadre toutefois inattendu : le soldat aujourd’hui retraité fut traité par
des médecins cubains à l’issue d’une association humanitaire offrant des
traitements ophtalmiques gratuits aux
populations démunies en Amérique Latine. Un tel retournement de situation n’a
fait que renforcer la prestance du secteur médical à Cuba et nous fait prendre
conscience de cet aspect si peu abordé.
Comment est échafaudé le système de santé cubain ?
Source: UNDP HDR 2014
Les chiffres parlent d’eux même,
ce petit pays des caraïbes a su se construire un système de santé qui malgré
les obstacles rencontrés, figure toujours parmi les références mondiales. On se
demande alors le secret de la réussite de ce modèle et les facteurs qui ont
participé à renforcer cette évolution progressive. La réponse n’est pourtant
pas si difficile à trouver : elle réside dans l’attention que porte le
gouvernement cubain à l’égard du secteur mais surtout de l’organisation
méticuleuse de ce dernier qui a
permis une répartition équilibrée sur tous
les niveaux de la santé et qui incluent toutes classes citoyennes confondues,
permettant ainsi une couverture intégrale du territoire cubain tant rural
qu’urbain.
La réussite de ce modèle est donc
due au développement de la médecine préventive en s’aidant des campagnes de
sensibilisation et de valorisation de la santé du peuple cubain, vient
s’ajouter à l’équation les dispositifs mis en place pour rendre accessible les
différents dépistages et autres éléments de prévention. Le système de santé
cubain est donc hiérarchisé en trois niveaux :
1er niveau d’attention, les médecins de famille et les polycliniques :
Cuba possède l’un des taux de
densité médicale les plus élevés au monde. De ce fait, les médecins
généralistes occupent une place primordiale dans la médecine communautaire car
les médecins de familles sont assignés à un nombre de patients d’une région
donné, un nombre qui ne cesse de diminuer permettant des soins plus efficaces
et mieux ciblés. Ces médecins s’occupent des citoyens dès leurs naissances
jusqu’à l’âge adulte jouant le rôle de pédiatre, gynécologue et bien d’autres
fonctions polyvalentes.
Les polycliniques sont aussi un
pilier de la santé public car ces centres regroupent des généralistes ainsi que
des spécialistes ce qui constitue une solution précieuse pour les besoins de
médecine de premier secours ou dans les communautés rurales.
2ème niveau d’attention, les hôpitaux :
Ce sont des établissements pour
la plupart universitaires qui accueillent différentes spécialités et services.
On note qu’au sein des 161 hôpitaux cubains, malgré le manque de moyens, il
subsiste tout de même une relation particulière entre les internes, résidents, médecins
et chefs de services mais aussi entre ces cadres de la santé et les citoyens
cubains qui entretiennent des relations plus proches de la camaraderie que des
divisions causées par les hiérarchies sociales car à Cuba l’argent ne définit
pas les relations médicales mais le devoir et la compassion.
3ème niveau d’attention, les institutions spécialisées :
Ce sont des institutions qui
couvrent une ou plusieurs spécialités et qui bénéficient d’une attention
particulière, ce qui se traduit par l’emploi de technologies modernes et de
matériel de pointe, cela s’explique par l’utilité primordiale de tels
établissements qui procurent des traitements qui ne peuvent être dispensés
ailleurs.
Les biotechnologies à cuba :
Cuba est désigné par l’OMS comme
étant le premier pays au monde à avoir réussi à éradiquer entièrement la
transmission mère-enfant du virus HIV et de la syphilis. La directrice générale
de cette organisation déclare : « Cuba est le
seul pays qui dispose d’un système de santé étroitement lié à la recherche et
au développement en cycle fermé. C’est la voie à suivre, car la santé humaine
ne peut s’améliorer que grâce à l’innovation » cela se
traduit par des centres tel que le centre d’immunologie moléculaire qui produit
aussi différents traitements qui permettent de lutter contre divers types de
cancer comme le nimotuzumab, un anticorps
monoclonal qui permet de neutraliser les cellules cancéreuses lors de stages
avancés de cette maladie, le secteur des biotechnologies cubain a breveté plus
de 1200 innovations et contribue à la découverte de nouveaux traitements contre
les pathologies les plus problématiques ainsi qu’à la promotion de médicaments
abordables pour tous.
Que fait la force des soins cubains ?
Cuba n’attendit pas longtemps
après sa révolution en 1959 pour siéger parmi les références mondiales en
termes de santé. Le gouvernement imbibé par l’idéologie de ces prédécesseurs mit
en place un système bien défini priorisant l’accès aux soins pour tous. En effet, elle intègre bien avant l’Organisation
Mondiale de la Santé, en 1970, la philosophie du système de santé primaire, une
stratégie de soins préventifs répartis en communautés locales afin de subvenir
aux besoins des habitants et ce, par la mise en place des premières ébauches
polycliniques. Suite à quoi, s’en suivit la déclaration officielle de
l’Organisation Mondiale de la Santé à Alma-Ata en 1978 faisant appel à ce
principe fondamental.
Cette première tentative permit
d’homogénéiser la répartition des médecins formés, avec un nombre qui s’élève à
67,2 médecins pour 10 000 habitants, couvrant ainsi 452 polycliniques et
161 hôpitaux à travers le pays. Cuba nous affiche notamment des indicateurs
sanitaires encourageants, avoisinant ceux des pays développés et une espérance
de vie on ne peut plus généreuse de 78 ans. Mais à quoi riment ces statistiques
?
L’éducation, un pilier incontournable de la santé à Cuba
Le pays s’est vivement engagé
dans le domaine de la santé en instaurant des bases solides : une
formation riche qui ouvre non seulement ses portes aux pays en développement
mais qui donne aussi l’accès à des études supérieures de qualité entièrement
gratuites. Ce cursus reconnu pour son efficacité fut couronné de succès,
notamment en 2012, recensant plus de 11 000 docteurs fraîchement formés,
parmi eux, 5 694 viennent d’Amérique Latine, d’Asie, d’Afrique et des Etats-Unis
et dénombre une majorité Bolivienne. Ces résultats représentent le double du
nombre de médecins dont Cuba disposait en 1959, une première dans l’agenda
cubain.
L’investissement médical ne s’arrête
pas là, puisque l’état encourage aussi la formation d’étudiants étrangers issus
surtout de pays sous-développés à l’Ecole Latino-américaine de Médecine de la
Havane, créée par Fidel Castro après les ouragans George et Mitch qui ont
ravagé l’Amérique centrale. Un tel projet, en plus des 24 facultés disposées aux
quatre coins de Cuba ont favorisé l’évolution de la santé au sein du pays.
La centralisation du système de santé
Dans une suite logique, le
déploiement médical au sein des petites communautés cubaines constitue aussi un
avantage de taille : le système sanitaire œuvre avant tout à assurer un
panel de soins à la hauteur des exigences et des normes médicales à l’ensemble
des habitants et faire de leur bien-être une priorité. Il est donc question
d’une approche préventive au cours de laquelle le patient est suivi
méticuleusement évitant ainsi toute complication et traitant au plus vite la
maladie. Cette méthodologie établit une relation étroite entre le professionnel de la santé et ses patients et
écarte l’approche curative souvent plus onéreuse. Ainsi, en plus de la gratuité
des soins, ce programme couvre 95% des besoins de sa population.
La santé à Cuba : le revers de la médaille
Bien que la volonté de progresser
vers un idéal commun soit présente, beaucoup d’obstacles viennent interférer
avec ce nuage idyllique : la crise économique est un détail non
négligeable qui pèse dans la balance cubaine. En effet, le prix de la gratuité
des soins se fait ressentir et l’embargo qu’appliquent les Etats-Unis contre
Cuba n’arrange en rien la fluidité économique souhaitée pour procurer le
matériel nécessaire. Ce financement coûteux du domaine médical fait courir
l’état à sa perte sur le long terme, surtout lorsqu’il s’agit d’une mauvaise
gestion des ressources. De surcroît, l’aspect moral et éthique est mis à rude
épreuve compte tenu de la corruption sourde, naissant entre vente illégale de
médicaments et pots-de-vin sous les tables. Une lutte sans relâche s’impose alors,
d’une part de l’état et d’autre part du citoyen cubain.
Conclusion
Il tient d’une volonté à la fois
politique et populaire d’améliorer la qualité de santé et de faciliter l’accès
aux soins à tous. C’est un pari difficile et ambitieux dans cette ère où la
santé est un domaine lucratif et un commerce parmi d’autres. Cuba depuis sa révolution
œuvre sans relâche à la réalisation de cet idéal et malgré les nombreux
obstacles et difficultés, ce pays a bien des leçons à donner au reste du monde.
Références :
_Cuba’s primary health care revolution: 30 years on,
Bulletin de l’OMS, Vol 86:
http://www.who.int/bulletin/volumes/86/5/08-030508/en/index.html
- Page d’accueil : http://www.who.int/bulletin/en/
_Quality in Primary Care
2008;16:269–77 : http://primarycare.imedpub.com/the-health-of-a-nation-perspectives-from-cubas-national-health-system.pdf
_Cuba : les biotechnologies
contre le cancer https://www.who.int/features/2013/cuba_biotechnology/fr/
_Cuba et la transmission du
HIV : https://www.who.int/mediacentre/news/releases/2015/mtct-hiv-cuba/fr
_Cuba, un modèle selon l’Organisation mondiale de la
santé, Salim Lamrani : https://www.mondialisation.ca/cuba-un-modele-selon-lorganisation-mondiale-de-la
sante/5394097
_Cuba, l’île de la santé, Salim Lamrani, Article publié initialement en portugais :
http://operamundi.uol.com.br/conteudo/opiniao/23324/cuba+a+ilha+da+saude.shtml
http://operamundi.uol.com.br/conteudo/opiniao/23324/cuba+a+ilha+da+saude.shtml
_Système de santé
cubain: L'utopie face aux réalités : http://www.medecine.unige.ch/enseignement/apprentissage/module4/immersion/archives/2012_2013/rapports/systemedesantecubain.pdf
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