Les Personnages Ayant Marqué la Médecine, de l’Antiquité à Nos Jours



Les Personnages Ayant Marqué la Médecine, de l’Antiquité à Nos Jours



Hassane Mohamed BOUALI 


Tout le monde a entendu parler d’Hippocrate, de Pasteur et de Fleming, et pour cause, ces personnages sont d’une importance capitale dans l’histoire de la médecine et sont tous à l’origine d’avancées majeures. Néanmoins, force est de constater que l’Histoire est injuste. Bon nombre d’hommes illustres ont révolutionné la pratique médicale sans pourtant être connus du grand public.
Dans cet article, nous nous proposons de vous faire découvrir, brièvement, la vie de 9 grands médecins que vous ne connaissez peut-être pas. Nous essayons de rendre fidèlement hommage à leurs travaux, qui constituent dans la plupart des cas les bases et les fondements de nos études actuelles.


Claudius Galien (129-216) de Perganom, l’école ancestrale 

Galien est sans nul doute l’une des deux personnes ayant le plus influencé l’histoire de la médecine, le deuxième étant Hippocrate. Claudius est né à Pergamon dans l’actuelle Turquie. Son implication dans la sphère médicale ne fut pas tout à fait anodine. Son père fit un rêve dans lequel le dieu grecque Asclepios commandait à son fils de devenir médecin. Il lui ordonna donc d’entrer à l’école de médecine. Ce périple scientifique l’emmena à travers toute la Grèce puis à Alexandrie pour finir par atterrir dans la capitale de l’empire : Rome.
Profondément inspiré par la philosophie, il voyait en la médecine une contemplation de l’oeuvre des dieux. Pour lui, comprendre le fonctionnement du corps était un moyen de leur rendre hommage.
Ses talents de chirurgien et de guérisseur le rendirent célèbre dans tout l’empire, ce qui l’amena à devenir le médecin des gladiateurs, fonction prestigieuse et prisée à l’époque. Ce poste lui permit d’étudier des cas rares. Il disséqua de nombreux cadavres et fit des découvertes majeures en anatomie et en physiologie.
Tout d’abord, il suivit la doctrine des 4 humeurs d’Hippocrate, auxquelles il associa les 4 éléments. Pour lui, le sang correspondait à l’air, la bile jaune au feu, la bile noire à la terre et la phlegme à l’eau. Les propriétés physiques de ces éléments (état gazeux, liquide... etc.) devaient rester en équilibre et c’était la rupture de cet équilibre qui occasionnait les maladies.
Le natif de Perganom a à son actif de nombreuses découvertes. Il démontra d’abord que le pouls provenait du coeur, puis qu’il existait deux types de vaisseaux dont chacun avait un rôle précis. Il décrivit avec précision la circulation digestive ainsi que la mécanique respiratoire. De même, il prouva que l’origine de l’urine était le rein et non pas la vessie, pour ce faire il n’hésita pas à ligaturer un uretère. Toujours audacieux dans ses expériences, il coupa les racines rachidiennes à plusieurs niveaux et en déduisit la métamérisation de la moelle épinière. Il découvrit également l’innervation du larynx et prouva qu’il était l’origine de la voix (à l’inverse de ce que disait Aristote, qui attribuait cette fonction au coeur). Enfin, il fut l’un des premiers à étudier l’embryologie animale et réussit à caractériser plusieurs étapes de celle-ci.
Il se distingua également en pharmacie, il mit au point des dizaines de potions et proposait d’en-rober les principes actifs dans des excipients pour les rendre administrables aux patients. Ses enseignements prirent plus tard la forme d’une science à part entière : la pharmacie galénique.
De plus en plus célèbre, cet étranger irrita la hiérarchie médicale et aristocratique de Rome. Il était sur le point d’être poussé à l’exile. Il doit son salut à sa réputation qui arriva aux oreilles de l’empereur lui-même. C’est ainsi qu’il fut nommé médecine personnel de Marcus Aurelius et de ses successeurs Commodus et Septimius Severus.

Au terme de sa vie, il laissa une oeuvre considérable estimée à plus de 10 millions de mots, la plupart de ses écrits ont été malheureusement perdus. Néanmoins, son influence resta grande et son école dominait les doctrines médicales jusqu’au 16e siècle, du moins en Europe, car, nous le verrons avec Ibn al-Nafis, les musulmans avaient dores et déjà corrigé bon nombre de ses erreurs.



Ibn al-Nafis (1213-1288), le découvreur de la circulation pulmonaire

Ibn al-Nafis fait partie de ces nombreux savants et érudits ayant marqué l’âge d’or de la médecine et des sciences islamiques. Longtemps méconnu de la littérature, des travaux d’historiens ont permis de rendre hommage aux prouesses de ce formidable esprit.
De son nom complet, Ala al-Din Abu al-Hassan Ali Ibn AbiHazm al-Qarshi al-Dimashqi, Ibn al-Nafis est né à Damas en 1213. Il accomplit ses études de médecine à l’hôpital de Damas puis alla exercer au Caire où il fut le médecin chef de l’hôpital Al-Nassri puis celui d’Al-Mansouri.

À seulement 29 ans, il écrit son oeuvre la plus importante : Commentaire sur le Canon d’anatomie d’Avicenne ( شرح تشرﻳح ﺍلقانون لابن سينا ), qu’il considérait comme son maitre et dont il suivit les enseignements, malgré l’écart de 200 ans qui les séparait.
Il fut le premier à défier l’assertion de Galien qui affirmait que le sang, pour passer d’une cavité cardiaque à l’autre, traversait le septum inter-ventriculaire. Il fit pour cela trois postulats fondamentaux. D’abord il observa que le septum inter-ventriculaire n’était pas poreux et qu’il ne pouvait pas par conséquent laisser passer du sang. Deuxièmement, il décrivit avec précision le trajet du sang des cavités cardiaques à travers la circulation pulmonaire. Enfin, il prédit qu’au niveau du poumon, il devait y avoir de petites communications ou pores (manafidh en arabe) entre les artères et les veines pulmonaires, chose qui fut confirmée 400 ans plus tard par Marcello Malpighi.
L’image ci-dessous est tirée de son texte original.
Il est à noter que cette idée de circulation pulmonaire ne fut introduite en Europe que 300 ans plus tard par Michael Servetus. De nombreux éléments laissent à penser qu’il aurait appris cela en étudiant Ibn al-Nafis. Quoi qu’il en soit, ses propos furent jugés hérétiques par la chrétienté et il fut brûlé à Genève...
Ibn al-Nafis ne s’arrêtât pas à l’anatomie, il étudia la physiologie, l’ophtalmologie, l’embryologie, la psychologie, la philosophie, la loi, la théologie, la grammaire et la logique ! Il entreprit d’écrire une vaste encyclopédie de plus de 300 volumes mais il ne l’acheva pas.


Giovanni Morgagni (1682-1771), le père du raisonnement topographique

L’histoire de Morgagni commence au début de 18e siècle. La médecine européenne était encore largement sous l’influence des concepts hippocratiques, notamment dans le raisonnement clinique et l’interprétation des signes. En effet, Hippocrate considérait que la maladie était un tout, que l’ensemble du corps était touché et qu’une maladie ne pouvait pas venir d’un organe en particulier. Ceci eut pour effet d’annihiler pendant longtemps toute tentative de raisonnement logique quant aux maladies.
Un beau jour, Morgagni, alors élève du célèbre anatomiste Valsalva et exerçant à Padua, en Italie, reçoit un cas pour le moins étrange. Un homme de 72 ans se plaignait de douleurs ombilicales accompagnées de nausées et de vomissements. Quelques jours après, la douleur migre dans la région hypogastrique. Les symptômes empiraient rapidement avec fièvre importante et rougeur au niveau du visage. Deux jours plus tard, le patient n’arrivait plus à marcher sur sa jambe droite et était complètement alité le lendemain. Le 12e jour, il était pris de convulsions et arrêta d’uriner. Il entra dans le coma le lendemain et mourut 3 jours après.
Pour tout praticien d’aujourd’hui, le tableau évoquerait très rapidement un foyer infectieux digestif qui se serait compliqué de péritonite avec choc septique et défaillance multi-viscérale ; mais il faut omprendre que dans le contexte de l’époque, ce cas constituait une véritable énigme. Morgagni décide alors de disséquer le cadavre. D’abord horrifé par l’odeur putride se dégageant de l’abdomen, il constata qu’un abcès s’était rompu dans la cavité péritonéale et la diffusion de l’infection était à l’origine de l’évolution de la symptomatologie.
Ce point fut fondamental pour lui, il conclut donc que les symptômes d’une maladie étaient liés à la souffrance d’une partie bien spécifique du corps. Ses enquêtes étiologiques se concentrèrent alors à essayer de déterminer l’origine exacte des différentes anomalies. Il disséqua pas moins de 700 cadavres en présentant à chaque fois un rapport détaillé sur l’histoire de la maladie et les anomalies qu’il avait pu constater. Ce travail pharamineux lui prit plus de 50 ans et fut publié dans son célèbre livre De sedibus et Causis Morborum per Anatomen Indigatis (Recherches Anatomiques sur le Siège et les Causes des Maladies).
Enfin, notons que malgré tous ses travaux, Morgagni n’a jamais nommé aucune maladie, il se contentait de les décrire. La plupart ont été nommées après lui en se basant sur ses travaux.


John Hunter (1728-1793), le maître de la chirurgie

Dernier d’une fratrie de dix, John Hunter est né en 1728 en Écosse. Il se distingua dès sa plus jeune enfance par son aversion pour l’école, les livres et tout ce qui touchait de près ou de loin aux études. Il fuyait ses heures de classe pour aller se promener dans les forêts et observer les plantes et les insectes. Paradoxalement, cela sera pour lui la base de ses futures recherches. 
Après une adolescence oisive, John, arrivé à l’âge de 20 ans, demanda à son frère William, alors célèbre obstétricien et enseignant d’anatomie à Londres, s’il pouvait le rejoindre et l’aider dans ses activités. William fut très vite surpris par la grande dextérité de son frère dans la manipulation des instruments de dissection et l’invita à rejoindre les classes d’anatomie et de chirurgie. 
Il se distingua d’abord par ses études concernant l’innervation de la région nasale, puis par ses nombreuses études d’anatomie comparée sur différents animaux. Il rédigea une dizaine de traités. Néanmoins, ce ne furent pas ses travaux qui le rendirent célèbre mais plutôt quelques expériences... inédites. 
Hunter n’a jamais hésité à braver les conventions et à expérimenter les procédés les plus fous, allant jusqu’à mettre son propre corps en jeu. Tout d’abord, en voulant étudier les phénomènes d’inflammation et de cicatrisation, Hunter n’a eu d’autre idée que de mordre son propre tendon d’Achille et de tranquillement faire la description du processus de cicatrisation. 


Plus tard, il s’intéressa au débat à propos de la Syphilis et de la blennorragie. Certains disaient que c’étaient deux maladies différentes, d’autres que c’étaient la même maladie. Hunter était partisan du second avis, et pour prouver qu’il avait raison, il n’hésita pas à s’inoculer du liquide provenant d’une personne atteinte de syphilis... directement dans ses parties génitales ! Malheureusement pour lui, il ne savait pas que la personne en question était atteinte des deux pathologies, il n’avait donc rien prouvé. Bien tenté tout de même. 
Hunter fut aussi un pionnier dans la transplantation, il réalisa une série d’expériences sur animaux, remplaçant tantôt une jambe par une autre, tantôt une dent et parfois même un testicule. 
Le meilleur pour la fin, un jour Hunter reçut un patient se plaignant d’hypospadias (malformation faisant que le méat n’est plus situé à l’extrémité de la verge, les sécrétions sortent donc directement à travers le corps de la verge). Il lui conseilla de prendre ses sécrétions séminales et de les injecter directement dans le vagin de sa femme. Et la procédure a marché ! Même si Hunter et l’homme restèrent dubitatifs quant à l’identité réelle du père de l’enfant...

Edward Jenner (1749-1823), le vainqueur de la variole

Edward Jenner est né à Berkeley en Angleterre. Il se distingua très vite à l’école par sa passion pour la biologie et l’histoire naturelle. Il entra à l’école de médecine et fut le disciple du grand chirurgien Hunter. À côté de sa pratique médicale, il multiplia les recherches et fut l’un des premiers à décrire l’angine de poitrine et les valvulopathies. Déjà à cette époque il commençait à s’intéresser particulièrement à la variole, qui faisait ravage dans les classes populaires.
Il constata que les personnes atteintes par la Vaccine (appelée variole de la vache, bénigne pour l’homme) résistait mieux à la variole. Il décida alors de reproduire le processus naturel de manière artificielle. En mai 1796, il utilisa des sécrétions de vésicules d’une personne atteinte de Vaccine et les incorpora à un jeune homme, ce dernier développa également la Vaccine. Il tenta ensuite d’inoculer la variole au jeune garçon. Ce dernier ne développa pas la maladie. 
L’hypothèse de Jenner confirmée, il synthétisa ses données dans son célèbre papier : An Inquiry into the Cause and Effects of the Variolae Vaccinae. 
Réticents au début, les gens commençaient de plus en plus à se faire vacciner. C’est ainsi qu’au bout de plus d’un siècle et demi d’efforts, l’OMS annonce officiellement la maladie comme étant éradiquée en 1979. 


Ignaz Phillipp Semmelweis (1818-1865), le médecin des mains propres

Né à Buda en Hongrie en 1818, Ignaz Semmelweis était simple fils d’épicier. Il voulut d’abord réaliser le rêve de son père de le voir devenir juge militaire et entreprit des études de droit à Vienne. Il se tourna néanmoins très rapidement vers la médecine et obtint son diplôme en 1848. Il côtoya les grands maitres de son époque, tels que Joseph Škoda en médecine interne et Carl von Rokitansky en anatomie-pathologique. C’est d’ailleurs cette dernière spécialité qu’il voulut exercer. Il fut cependant recalé et dut se contenter d’un poste d’assistant dans l’un des deux département d’obstétrique, sous la direction du professeur Klin. L’autre département était dirigé par le professeur Barcht.  Le professeur Klin rompait avec l’approche de ses collègues et au lieu d’utiliser des mannequins, il préférait enseigner à ses élèves sur des dissections cadavériques ; Semmelweis était chargé d’assurer les travaux pratiques. 
Dès le début de sa carrière, il fut confronté à la dévastatrice épidémie de fièvre puerpérale qui faisait ravage à l’époque, emportant plusieurs dizaines de milliers de femmes. Il ne cessait de s’interroger sur l’origine de ce fléau. La plupart des médecins évoquaient une cause intrinsèque liée aux femmes ellesmêmes qui était responsable de leur décès.
Néanmoins, Semmelweis n’était pas convaincu par cette théorie. Et pour cause, il fut l’un des premiers dans l’histoire à employer intuitivement l’épidémiologie. Il fut tout d’abord intrigué de constater que les taux de mortalité n’étaient pas les mêmes entre les départements d’obstétrique. En effet, on mourrait davantage dans son département que dans celui du professeur Barcht. De plus, les femmes, arrivées à terme, étaient orientées vers l’un ou l’autre des services en fonction du jour de la semaine. Ce qui, en termes modernes, s’apparente à une randomisation et excluait de facto une cause intrinsèque aux femmes. 
Il décide alors d’examiner plus attentivement les statistiques et se rend compte que les taux de mortalité étaient auparavant les mêmes pour les deux services.
La mortalité n’a augmenté dans son service que précisément à partir du moment où le professeur Klin
décida d’introduire la dissection cadavérique dans les cours. Il observa que les étudiants allaient des salles de dissection vers les salles d’accouchement sans précaution particulière. Il conclut alors à l’existence d’un Agent Invisible responsable de la fièvre puerpérale qui se développait sur les cadavres et qui était malencontreusement transporté par les étudiants.
Semmelweis va encore plus loin dans l’Evidence- Based et réalise l’un des tous premiers essais cliniques de l’histoire. Il demande aux étudiants de son service de se laver les mains à l’aide d’une solution d’hypochlorite de calcium avant d’entrer en salle d’accouchement (= groupe d’intervention) ; en même temps, il demande aux étudiants de l’autre service de ne rien changer à leurs habitudes (= groupe de contrôle). Le résultat était époustouflant, la mortalité a très vite chuté pour arriver au même niveau que dans le service homologue. 


Enthousiasmé par ses résultats et surtout soucieux d’arrêter l’hécatombe, Ignaz multiplie les communications et publie son principal text Die Ätiologie, der Begriff und die Prophylaxis des Kindbettfiebers où il exhorte ses collègues d’arrêter le « massacre ».
Néanmoins, il se heurte violemment au refus de ses confrères, à commencer par son maitre, le professeur Klin, vexé que Semmelweis lui demande de se soumettre au lavage des mains. Ses recommandations furent peut-être le coeur du problème, il demandait tout de même aux gens de se laver pendant 5 longues minutes ! Mais l’égocentrisme de la caste médicale viennoise de l’époque y était surement pour quelque chose aussi, à l’image de Charles Meigs, l’un des plus grands adversaires de Semmelweis, qui répondait sans cesse que « les mains des gentilshommes sont toujours propres ».
Déchiré par la culpabilité d’être responsable de la mort de tant de femmes et par la réprobation de ses collègues, Semmelweis sombra dans la dépression puis peu à peu dans la démence. En 1865, il fut hospitalisé dans un hôpital psychiatrique où il mourut peu après, suicidé ou tué...

William Thomas Green Morton (1819-1868), l’inventeur de l’anesthésie (ou pas)

Compte tenu de l’ancienneté de la chirurgie dans la pratique médicale, il paraît très surprenant que l’invention de l’anesthésie ne remontre qu’à un siècle et demi. C’est pourtant bel et bien le cas. Avant qu’un jeune chirurgien- dentiste eut l’idée d’utiliser du gaz d’éther pour endormir les patients, ceux-ci devaient subir (au sens strict) leurs opérations éveillés, ligotés et maintenus en place par des hommes, sous le regard ahuri des étudiants en médecine en plein milieu des amphithéâtres...
En réalité la notion d’anesthésie n’était pas tout à fait méconnue de l’humanité, les premières civilisations découvrent rapidement les effets de l’alcool et de l’opium sur la douleur. Néanmoins, pendant très longtemps ces substances, et d’autres, ne furent utilisées qu’à but analgésique, sans que personne ne pense à les utiliser lors des opérations chirurgicales. À la fin du 18e siècle, les chimistes européens ont réussi à synthétiser plusieurs gaz tels que l’éther et l’oxyde nitrique. Ceux-ci étaient célèbrent pour les états d’euphorie et de bien-être qu’ils occasionnaient à quiconque les inhalaient et étaient alors appelés “gaz du rire”. On les utilisait très souvent comme divertissement pendant les fêtes.
Les premiers à avoir eu l’idée d’utiliser ces gaz à but anesthésique furent William Clarke et Crawford Long, et avec succès d’ailleurs ; ils ne publièrent néanmoins pas leurs travaux et tombèrent aux oubliettes. Il faut attendre décembre 1844 pour qu’un certain Horace Wells, chirurgien-dentiste, parti s’amuser à une fête où il avait inhalé de l’éther, se rendit compte qu’il s’était frappé la jambe contre une porte, occasionnant un volumineux bleu sur le genou. Il n’avait pourtant pas senti le coup. Il pensa alors à faire inhaler ce gaz à ses patients avant de les opérer. La technique produisit des résultats spectaculaires sur ses patients. Il décida alors de la communiquer et d’en faire la démonstration dans l’amphithéâtre du prestigieux Massachusetts General Hospital. Malheureusement, l’anesthésique ne fut pas correctement administré aux patients et la démonstration se solda par un échec cuisant. Humilié et sa réputation détruite, Wells abandonna ses recherches et se suicida trois ans après... 


Son élève, William Morton, resta cependant convaincu du procédé de son maitre, il le remit au point et l’essaya de nouveau sur ses patients. Il tenta alors lui aussi d’en faire la démonstration à l’hôpital général. L’expérience fut cette-fois couronnée de succès. Morton devint célèbre et l’histoire retiendra qu’il est l’inventeur de l’anesthésie, même si ce n’était pas tout à fait le cas.
Les européens ne tardèrent pas à adopter eux aussi la procédure et inventèrent leur propre anesthésique : le chloroforme ! Peut-être ne connaissaient-ils pas à cette époque les effets potentiellement mortels de ce gaz ? À l’image du Dr. John Snow, l’un des pères de l’épidémiologie (à ne pas confondre avec le personnage de série), qui conseilla à la reine Victoria d’Angleterre d’utiliser le chloroforme pour accoucher de son fils Leopold et plus tard de sa fille Beatrice...


Maurice Hilleman (1919-2005), le « Pasteur » du 20e siècle

Chasseur de microbes, pionnier de la virologie et l’un des principaux vaccinologistes du 20e siècle, Maurice Hilleman est responsable de la découverte et du développement de plus de 40 vaccins, contre plusieurs pathologies majeures parmi lesquelles la rougeole, la rubéole, l’hépatite B, la méningoccie, l’infection à pneumocoque et l’infection à Hæmophilus influenzæ... pour ne citer qu’elles ! 

Né en 1919 dans le Motana, il fut passionné de science depuis son plus jeune âge. Il obtient sa licence puis son doctorat en microbiologie et chimie à l’université de Chicago.
En 1944, il rejoint le service de recherches virologiques au sein de la compagnie pharmaceutique E R Squibb & Sons dans le New Jersey, où il développa un vaccin contre le virus de l’encéphalite B japonaise. Durant ses recherches, il caractérisa plusieurs virus et identifia des changements pouvant les faire muter. Il commençait d’abord par isoler l’agent pathogène et le gardait sur milieu de culture. Il procédait ensuite à son affaiblissement et l’atténuation de son pouvoir pathogène en le faisant passer par une série de cellules embryonnaires de poulet, jusqu’à ce qu’il perde la capacité de reproduction, tout en gardant son pouvoir immunogène. Grâce à ces découvertes, il développa plusieurs vaccins, dont 9 sont actuellement recommandés par l’OMS pour les enfants.
Bien moins célèbre que ses prédécesseurs, Louis Pasteur et Robert Koch, Hilleman n’a pourtant rien à leur envier. Si aujourd’hui notre espérance de vie dépasse de loin ce qu’elle était au début du 20e
siècle, c’est en partie grâce à lui. A priori, il aurait sauvé plus de vie que n’importe quel homme durant le dernier siècle, plus même qu’Alexander Fleming.
Homme d’honneur et de travail, Hilleman était loin des lumières et de la gloire. La seule chose qui le préoccupait était de donner vie à ses découvertes. Il était sans cesse en confrontation avec la bureaucratie et l’inertie des politiques, auxquelles il reprochait d’avoir le véritable pouvoir de décision sur les marchés de la santé plutôt que les scientifiques. Il mourut en 2005 des suites d’un cancer.

Et pourquoi pas vous ?

En arrivant au bout de cet article, il restait encore de multiples figures illustres dont on pouvait parler. Il y avait de quoi écrire des livres entiers ! Cependant, en contemplant ces prodiges, nous étions frappés d’un constat : brillants par leurs actes, ils l’étaient certes, mais ils l’étaient encore plus par leur simplicité.
Fainéants, impatients, arrogants, sentimentaux ou autre, ils partagent avec le reste de l’humanité ses vices et ses défauts. Ils se distinguent cependant par leur audace et leur passion sans limite. Oui, arrivés au bout de cet article nous étions pris d’une certitude inaliénable : chacun d’entre nous peut être à la place de ces hommes. Il suffit d’avoir un idéal et la volonté de le réaliser.
En espérant un jour pouvoir écrire un article sur 9 autres personnages mythiques et vous y retrouver, chers lecteurs.

Références

1- Kill Or Cure, An Illustrated History of Medicine - Steve Parker. Dorling Kindersley Edition 2013
2- Doctors: The Biography Of Medicine - Sherwin B. Nuland. Vintage Books 1989.
3- West JB. Ibn al-Nafis, the pulmonary circulation, and the Islamic Golden Age. Journal of Applied Physiology. 2008;105(6):1877-1880.
4- Manor, J., Blum, N. and Lurie, Y. (2016) “No Good Deed Goes Unpunished”: Ignaz Semmelweis and the story of puerperal fever. Infect. Control Hosp. Epidemiol. 37, 881-887.
5- Ignác Semmelweis—celebrating a flawed pioneer of patient safety. Stewardson, Andrew et al. The Lancet , Volume 378 , Issue 9785 , 22 – 23
6- Royal College of Physicians- AIM25 Arichve JENNER, Edward
7- Obituaries: Maurice Hilleman. Laura Newman. BMJ 2005;330:1028
8- A Forgotten Pioneer of Vaccines – The New York Times, 06/06/2013, Richard Connif


Références des images

1- Kill Or Cure, An Illustrated History of Medicine - Steve Parker. P40
2- Pediatr Cardiol (2014) 35:1088–1090
3- Journal of Applied Physiology. 2008;105(6):1877-1880.
4- Doctors: The Biography Of Medicine - Sherwin B. Nuland. P158
5- Doctors: The Biography Of Medicine - Sherwin B. Nuland. P196
6- Image tirée de Wikipedia.
7- Acta Physiologica Hungarica, Volume 102 (4), pp. 343– 350 (2015)
8- Kill Or Cure, An Illustrated History of Medicine - Steve Parker. P173
9- Obituaries : Maurice Hilleman. Laura Newman. BMJ 2005;330:1028.

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