LA FOLIE DANS LA LITTERATURE

La folie dans la littérature
Arslan ALLOUACHE

« Et qu'est-ce que la folie, après tout, sinon une sorte d'originalité mentale ? Je dis la folie, et non point la démence. La démence est la perte des facultés intellectuelles. La folie n'est qu'un usage bizarre et singulier de ces facultés. » – Anatole France.
Ah, la folie… ce curieux état d'esprit maintes fois dépeint dans la littérature et jouissant d'un fort intérêt porté par les écrivains de tout temps. Car comme un médecin qui s'intéresserait à la maladie pour garantir l'état de bonne santé, ces écrivains ont exploré l'aspect pathologique de la psyché pour déceler les modes par lesquels elle s'exprime. Voici donc une liste, loin d'être exhaustive, de ces aventuriers ayant exploré l'esprit humain pour en tirer un imperceptible coup d'œil sur l'inconscient commun de l'humanité.


Commençons par Maupassant

Etant lui-même atteint de maladie mentale, et ayant écrit son œuvre majeure lors de son internement dans un hôpital psychiatrique, ce français a fait de Le Horla un exutoire par lequel il exprimait ses angoisses et ses pulsions les faisant revivre à travers le journal intime. Perdu dans une forme d'hallucination, le personnage de Maupassant voit son énergie vitale aspirée par une créature invisible le laissant sujet à des pulsions de mort ; pulsions dont l'auteur lui-même faisait l'objet, et qu'il retranscrivait dans ses écrits par procédé Cathartique.




Molière et son Argan
C'est avec le malade imaginaire que Molière nous initie aux troubles somatoformes, l'hypochondrie pour être exact ou le délire durant lequel le sujet est persuadé d'être atteint d'une maladie grave. En effet, Argan, le héros principal de cette comédie, est un triste personnage qui feint d'être malade dans le but inconscient de se faire choyer par son entourage. Organisé en satire, cette comédie se moque ouvertement des médecins de son époque qui, s'aidant de saignées, de purges et de toutes sortes de remèdes, étaient plus soucieux de plaire à leur client qu'à l'aider réellement, se laissant ainsi entrainer dans leur délire de leur malade sans s’en rendre compte. Notre héros ira même jusqu’à simuler sa propre mort pour voir les réactions de ses proches et découvre avec effroi que sa femme souhaitait secrètement qu'il meurt et la délivre du fardeau qu'il incarnait.



Kafka, passé maître dans l'absurde 

Influencé à la fois par le modernisme et le réalisme ou même l'anarchisme et précurseur de l'existentialisme par la constante absurdité de son univers et son cynisme. Montrant des signes d'hypochondrie, de dépression et de phobie sociale, Kafka, contrairement à Maupassant, ne verra pas en l'écriture un exutoire. Bien au contraire, il y voit un mal atroce qui « implique une ouverture totale du corps et de l'âme » mais un mal nécessaire qui lui permettra à travers des œuvres telles que La métamorphose ou Le verdict de laisser sa marque dans l'histoire de la littérature et d'influencer plusieurs auteurs célèbres tels que Milan kundera ou Gabriel Garcia Marquez au point où kakaı̈en est devenu synonyme d'irrationnel et de surréalisme.




Gogol et ses personnages loufoques


Cet écrivain russe, parmi les pionniers du genre fantastique, plonge le lecteur dans la réalité déformée et transfigurée qu'il décrit à travers l'esprit torturé de ses personnages. Avec des nouvelles comme journal d'un fou, le manteau ou encore Le nez, Gogol se sert de cette caricature grotesque de sa société pour lui adresser une critique aiguisée, distillant à travers les évènements rocambolesques de ses fous esseulés une vision pour le moins révolutionnaire.




Palahniuk et son héros devenu culte

Ah, qui ne connaı̂t pas Tyler Durden ? Ce personnage énigmatique anticonformiste, voire nihiliste, qui entreprend de mener une lutte acharnée contre la société de consommation en organisant des combats clandestins. A travers son roman fight club, rendu célèbre par l'adaptation cinématographique du même nom, Chuck Palahniuk livre son personnage principal ''le narrateur'', fonctionnaire insomniaque blasé par la vie et victime d'un consumérisme compulsif, au sein d'une révolte anarchiste menée par son mystérieux ami : tyler Durden. Très vite, le héros perd pied et commence à se douter de ses troubles identitaires, lui et son ami seraient une seule et même personne.
Par les yeux de son ''narrateur'', l'auteur caricature une société dérisoire et absurde ayant perdu toute raison d'exister qu'elle compense par une consommation immodérée.



American psycho de Bret Easton Ellis


Ce roman, ayant fait l'objet de controverses tant par la thématique osée qu'il aborde que par les scènes de violence extrême qu'il dépeint, met en scène Patrick Bateman, véritable ''Golden Boy'' de Wall Street, riche, charismatique, beau et très soucieux de son apparence… et psychopathe. En effet, une fois à l'abri des regards indiscrets, Bateman se transforme en meurtrier sanguinaire au sadisme inouı̈. Partagé entre son désir de réussite professionnelle et celui d'assouvir ses instincts criminels, ce psychopathe devenu schizophrène tente d'éliminer ses rivaux de la plus atroce des manières… Mais ces rivaux, ne seraient-ils pas de simples facettes de son ultime Némésis : lui-même.




Mention honorable : Mustapha Benfodil et ses personnages à la limite de la folie


Que ce soit dans les bavardages du seul ou dans l'archéologie du chaos (amoureux) ou même dans des pièces théâtrales comme clandestinopolis, M. Benfodil aura gardé comme marque de fabrique de présenter son roman à travers les yeux d'un personnage déjanté et loufoque, atteint d'une maladie clairement diagnostiquée telle que l'autisme ou juste inadaptée à la société et ses futilités. L'auteur s'aide souvent de ces personnages pour présenter un aspect du roman qui échappe aux sains d'esprit, reflet d'un aspect de la vie qui échappe au commun des mortels.




Qu'elle soit retrouvée chez le personnage principal d'un roman ou partagée par l'auteur, la maladie mentale est souvent présente dans un art qui a pour but de refléter la société et son quotidien, souvent absurde, chargé d'évènements éprouvants qui parfois altèrent de l'intégrité psychique. La folie dans toutes ses formes présente alors, devant nos yeux, cet aspect insoupçonné de la vie quand elle finit par… avoir raison de la raison.


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