Musicothérapie - Quand la musique adoucit les maux !



Musicothérapie - Quand la musique adoucit les maux ! 


Sofiane BENHABILES


Nietzsche disait d’elle qu’elle offrait aux passions le moyen de jouir d’elles-mêmes, Kant disait qu’elle était le langage des émotions, Green disait qu’elle embellissait les lieux où on l’entendait et Freud prônait son pouvoir affectif et cette façon qu’elle avait de toucher au plus profond de l’être. La musique, moyen de communication et d’expression par essence, tient donc indubitablement une place prépondérante chez l’individu et le collectif. Pourtant sa place dans la médecine, encore mystérieuse, s’établit de jour en jour en vue des découvertes de ses propriétés thérapeutiques.

Musique et médecine, une longue relation

Depuis la préhistoire, la musique fut utilisée par les guérisseurs en complément au traitement des malades. Des écrits égyptiens datant d’entre 1600 et 1500 av. J.C. comportent des incantations destinées à soigner la stérilité, les douleurs rhumatismales et les piqûres d’insectes grâce à la musique. On peut lire aussi dans l’Ancien Testament que c’est en jouant de la lyre que David guérit le roi Saül de sa dépression. De même, en Grèce antique, le son de la flûte fut utilisé pour soulager les douleurs de la sciatique et de la goutte. D’ailleurs, toujours chez les Grecs, la musique, reposant sur les lois numériques, était intégrée aux mathématiques. En Orient, Confucius disait déjà : « jouis de la musique, c’est la formation de l’harmonie intérieure ».
Au cours des siècles donc, les bases de ce que sera la musicothérapie actuelle sera présente sous différentes formes. Néanmoins, ce n’est qu’en 1800, lorsque que les « fous » commencent à être considérés comme des malades et que la psychiatrie voit le jour que nait le terme de « MUSICOTHERAPIE ». La musique est alors considérée comme un moyen de calmer les agités, de stimuler les apathiques, ou encore de chasser les idées morbides.
Le plus ancien texte concernant la musique et la médecine a été écrit par le médecin anglais Richard Browne en 1729 : Medicina Musica, où un essai mécanique décrivait alors les effets du chant, de la musique et de la danse sur le corps humain.
La musicothérapie n’a concrètement commencé à se développer qu’à la fin du XIXe siècle. En 1919, l’Université Columbia (New York) offrait des cours de musicothérapie et, en 1941, une National Foundation for Music Therapy fut fondée aux Etats-Unis. Au cours des années 40 et 50, la musicothérapie fut employée partout dans le monde pour soulager le stress posttraumatique des soldats. En 1944, le Michigan State College, délivrait un diplôme d’études en musicothérapie. En Angleterre, la British Society of Music Therapy, fondée en 1958, collabora avec la Guildhall School of Music pour créer un programme de troisième cycle conduisant au L.G.S.M.T. (Licentiate Guildhall School of Music Therapy).


Définition de la musicothérapie

Selon l’association québécoise de musicothérapie, on peut définir la musicothérapie comme étant « un mode d’intervention utilisant la musique, visant à promouvoir, maintenir et améliorer la santé mentale, physique, socio-affective et spirituelle du patient. » Il s’agit d’un processus relationnel, donc mouvant et flexible, entre trois pôles : le patient, le thérapeute et la musique.
Il est donc question de l’utilisation judicieuse de la musique afin de répondre aux besoins émotionnels, psychologiques, physiques, intellectuels, créatifs et spirituels du patient. Le musicothérapeute facilite donc l’exploration, l’expression de soi et la communication non verbale du patient par l’intermédiaire de la musique. La production musicale de ce dernier est interprétée comme la projection, sous forme symbolique, de son état interne. L’interaction musicale avec le thérapeute l’amène à découvrir des éléments sur lui-même, puis à extérioriser, organiser et réintégrer ses pensées et ses sentiments. Parfois la symbolisation commence dans le domaine musical et se termine dans le domaine verbal, parfois elle reste dans le domaine musical. Le but est l’extension du processus thérapeutique à tous les domaines de la vie. Le musicothérapeute fait appel à la sensibilité et à la créativité de la personne, ainsi qu’à son sens ludique.


Approches de la musicothérapie

La musicothérapie peut se rattacher à différents cadres de référence théorique : la théorie psychanalytique, les médiations thérapeutiques et les thérapies complémentaires.
Hormis quelques spécificités, les techniques de musicothérapie sont multiples et innombrables, au gré de leurs créateurs. Citons comme exemple la Musicothérapie Analytique de Groupe mise au point par Edith Lecourt, le concept de l’Iso par Roland Bénenzon ou encore la méthode Tomatis créée par Alfred Tomatis qui est une méthode de rééducation de l’oreille interne. Toutefois, il existe deux techniques de base : active et réceptive.
Avec la technique active, des « outils » musicaux sont mis à disposition du patient qui a alors un rôle à jouer. Il devient actif et acteur dans la proposition de travail. Il produit de la musique avec des instruments, sa voix, son corps, ou encore son environnement qui peut être également sonore (taper sur un radiateur, griffer la moquette, souffler sur l’extrémité d’une bouteille, etc.). Avec la technique réceptive, le patient tient une autre place et se met en position de réceptivité. Il « reçoit » la musique ; il l’écoute. L’outil de travail est alors le ressenti du patient et la manière dont il a reçu la musique en extériorisant cette expérience par des mots.


Champs d’action de la musicothérapie 

La musicothérapie impressionne de par ses innombrables utilisations…Pendant l’enfance, la musicothérapie se révèle d’une grande aide pour divers troubles du comportement. Elle offre une écoute à l’enfant, tout en lui permettant d’exprimer ce qui le déborde. D’ailleurs, chez les enfants trisomiques, la musique offre un espace où ils peuvent exceller. Ils sont souvent très sensibles et expriment mieux cette sensibilité par la musique que par les mots.
Dans les troubles du développement (de la déficience légère à l’autisme), les traumatismes ou les abus, l’art, et notamment la musique, est parfois la seule porte d’accès. Certains enfants sont non verbaux, d’autres ont vécu des expériences « indicibles ». La musique, par essence non verbale et ne nécessitant pas de maîtrise technique préalable, leur offre une voie … et une voix.
Dans les cas de stress, dépression ou soins palliatifs, la musique a vocation de susciter des émotions chez l’« interlocuteur ». Quand la musique nous parle, nous sommes émus, entendus, interpellés, moins seuls. L’art exprime, mais modifie aussi les émotions.
Avec les handicapés physiques que l’on veut aider sur le plan moteur, on s’appuie sur des éléments musicaux comme le rythme, les phrases musicales, les répétitions de motifs et leur prévisibilité, afin de construire et renforcer la coordination des mouvements.
Auprès des personnes âgées (atteintes de la maladie d’Alzheimer notamment, mais non exclusivement), il s’agit de préserver la qualité de vie et les compétences. Entendre un morceau de musique bien connu rappelle souvent les circonstances où ce morceau a été entendu ; cela permet aux personnes âgées en institution de rester connectées à leur vie d’avant. Les faire chanter, se rappeler les paroles et raconter des histoires favorise également la socialisation, les nouvelles relations et l’ouverture à la vie. Ce procédé les « ramène » dans l’ici et maintenant et ralentit la dégradation, tout en leur apportant du plaisir.


Melody Gardot, diva militante de la musicothérapie 

Melody Gardot, aujourd’hui auteur-compositeur-interprète et musicienne américaine, est une miraculée de la musique! En 2003, alors qu’elle était étudiante, elle fut victime d’un grave accident de vélo. Sévèrement polytrumatisée, elle passe plus d’un an à l’hopital. Elle apprend alors à jouer de la guitare et commence à composer des chansons. C’est alors qu’elle commence à interpréter ses titres dans certaines salles de spectacle et cafés de Philadelphie, avant d’être repérée par une station de radio locale. Son titre « Who Will Comfort Me ? » est devenu un succès classé dans le top 10 du réseau radiophonique américain Smooth Jazz.
Elle doit suivre des séances de rééducation pour exécuter des tâches courantes simples comme se brosser les dents ou se remettre à marcher. Elle souffre toujours d’une sévère photophobie qui l’oblige à constamment porter des lunettes de soleil.
À la suite de son grave accident, elle milite en faveur de la musicothérapie et de l’aide que peut apporter cette méthode de soins à des personnes fortement traumatisées.

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