Questions curieuses en médecine



Questions curieuses en médecine 


Meriem El-Batoul FERDI


Ce monde est rempli de mystères sur lesquels l’on est appelé à lever le voile. Et le domaine de la santé constitue à lui seul un champ infini de questions qui demandent des réponses pertinentes, de problèmes qui exigent des solutions convaincantes, de voies inconnues qui n’attendent que d’être explorées… Ces intrigues-là ne sont-elles pas ce qui apporte du sens à la vie et ce qui fait qu’elle mérite d’être visitée dans ses moindres recoins ? Plus on en apprend, plus on est conscient de soi et de son environnement… et plus l’on est vivant ! 

Pourquoi a-t-on les oreilles qui se bouchent quand on est en avion ?

Vous connaissez cette sensation de voix étouffée et d’oreille pleine quand vous êtes en avion ou que vous êtes sur une montagne ? Vous avez aussi posé la question de savoir la raison à cela, et on vous aurait répondu quelque chose du genre : « c’est un jeu de pressions » ? Oui, mais pourquoi ?!
Assez d’intrigues ! Expliquons cela tout de suite !


A 6000 mètres d’altitude, hauteur de croisière d’un avion standard, la pression atmosphérique ne représente que 50% de celle retrouvée au niveau de la mer. Quant à la température, elle y est d’environ -25°C. En gros, la vie humaine permanente à une altitude pareille est impossible. Heureusement, la cabine de l’avion est pressurisée et sa variation en fonction de l’altitude est beaucoup moins importante que celle que subit l’avion à l’extérieur. Côté variation de pressions, c’est assimilé. Intéressons-nous, donc, à ce qui arrive aux gaz lorsque cette pression varie ! De nos vestiges des cours de physique et de chimie, on se souvient bien que quand la pression baisse, le volume du gaz augmente. Si vous avez acheté un pot de yaourt avant de partir en montagne, vous auriez sûrement remarqué, une fois arrivés là-haut, que son couvercle était bombé. C’est parce que l’air prisonnier dans le pot se dilate du fait, justement, de la baisse de la pression atmosphérique.
On a fait notre partie aéronautique et notre partie physique. Entamons maintenant notre partie médicale ! Ce qui nous intéresse plus particulièrement, c’est l’oreille. Celle-ci est subdivisée en trois (3) parties : l’oreille externe, moyenne et interne. L’oreille externe, qui comporte le pavillon de l’oreille et le conduit auditif externe, a pour rôle d’amener le son à l’oreille moyenne qui contient le tympan et une chaine de 3 osselets : étrier, marteau et enclume ; les trois plus petits os du corps humain. Le rôle de l’oreille moyenne est d’amplifier le son et de le transmettre à l’oreille interne qui transforme les vibrations sonores en un influx nerveux que le cerveau pourra interpréter. C’est l’oreille moyenne qui nous intéresse plus particulièrement et principalement le tympan, cette membrane qui vibre grâce au son, c’est elle qui va débuter la transmission du son au cerveau. Et pour que le tympan vibre correctement, il est primordial que la pression de part et d’autre de celui-là soit équivalente. Le Créateur, qui ne peut que bien faire les choses, a fait que l’oreille moyenne soit justement munie d’une sorte de soupape : la trompe d’Eustache ! La trompe d’Eustache est un conduit reliant l’oreille moyenne aux fosses nasales, muni d’une muqueuse respiratoire et permettant d’évacuer toutes les particules étrangères qui se trouveraient au niveau de l’oreille moyenne.

A l’état normal, la lumière de la trompe d’Eustache est dite virtuelle. C’est-à-dire qu’elle est plissée et ne se déplisse qu’en cas de besoin. Et afin d’équilibrer la pression, la trompe d’Eustache va s’ouvrir et ainsi laisser passer l’air dans un sens ou dans l’autre. Dans la vie de tous les jours, l’être humain vivant sur terre et à pressions relativement constantes, il est donc rarement sujet à de grandes variations de pression. Cela faisant que le phénomène d’ouverture de la trompe d’Eustache soit lent, et par conséquent, imperceptible.
Qu’en est-il lorsqu’on est en avion ? Là, il faudra être un peu plus attentif ! Plus l’avion monte, plus la pression atmosphérique baisse, et donc, l’air prisonnier à l’intérieur de l’oreille moyenne va augmenter de volume et va faire bomber le tympan vers l’extérieur. En étant déformé, le tympan vibre moins bien, transmettant moins bien le son, et c’est ce qui nous donne l’impression d’avoir l’oreille bouchée. L’air dilaté pousse sur le tympan, mais il pousse également sur l’entrée de la trompe d’Eustache. Cela fait que des mouvements tels qu’engendrés par la succion d’un bonbon, l’avalement de sa salive ou le bâillement permettront son ouverture et l’équilibration des pressions. Suite à cela, le tympan reprendra sa position et sa capacité vibratoire normales.
Quand on descend, c’est le phénomène exactement inverse : l’air, au lieu de se dilater, il se contracte, il attire le tympan vers l’oreille moyenne qui, en plus de se déformer et mal vibrer, va appuyer sur les osselets qui vont appuyer sur l’oreille interne. Et c’est aussi pour cette raison qu’on a plus mal quand on descend que quand on monte. Pour équilibrer les pressions dans ce cas-là, il faudra forcer la trompe d’Eustache à s’ouvrir et forcer l’air à entrer dans l’oreille moyenne et pour cela, la meilleure technique, c’est la manœuvre de Valsalva. Elle consiste à souffler par le nez en maintenant la bouche et le nez fermés. Vous l’avez reconnue ? Oui, oui ! C’est bien ce geste systématique que font les plongeur avant de sauter dans l’eau et donc, subir une variation de pression !
En procédant ainsi, on augmente la pression dans les fosses nasales. Cela oblige la trompe d’Eustache à s’ouvrir et ça force l’air à entrer dans l’oreille interne et à équilibrer les pressions !
Maintenant, on a compris ce qu’est ce « jeu de pressions » et qu’on peut palier à cette sensation d’oreille bouchée en jouant, nous-mêmes, sur ces pressions !


Pourquoi donc nous demande-t-on de rester à jeun avant une intervention chirurgicale ?


Avez-vous déjà subi une anesthésie générale ? Non ? L’un de vos proches, alors ! Non plus ?!
Que ce soit durant la pratique de vos stages ou dans votre entourage, il vous est sûrement venu à l’oreille qu’on prévient les malades de se présenter à jeun, le jour de leur intervention chirurgicale. L’expression est connue : « ne pas manger, ne pas boire et ne pas fumer depuis minuit du jour de l’intervention ! »
Si les raisons sont évidentes quand l’opération concerne le tube digestif – en effet, opérer un estomac plein de bol alimentaire, ce n’est pas très pratique- cela ne nous explique pas pourquoi cette mesure est applicable à tous types d’interventions nécessitant une anesthésie générale.
Pour répondre à cela, il faudra s’intéresser non pas à la chirurgie mais plutôt à l’anesthésie générale. Celle-ci a trois principaux rôles : la suspension de la conscience, le relâchement musculaire et la diminution de la douleur. Le rôle de l’anesthésiste étant d’endormir le malade avant l’intervention, le maintenir en vie pendant l’intervention et le réveiller après l’intervention, cela nous permet d’individualiser les trois temps de l’anesthésie : l’induction (placer le malade dans une sorte de coma artificiel), l’entretien et le réveil. Nous allons, ici, nous intéresser à la première phase – la plus critique- qui est celle de l’induction.
L’induction est caractérisée par l’administration de molécules chimiques, dans un ordre particulier, assurant chacune l’un des 3 rôles sus-cités. D’abord, la suspension de la conscience ; elle est obtenue grâce à une classe médicamenteuse appelée les hypnotiques dont le Propofol, commercialisé en Algérie sous le nom de Diprivan®. Le relâchement musculaire, quant à lui, est obtenu grâce aux curares. Ces derniers agissent en empêchant le signal neurologique d’atteindre le muscle, ce qui est bénéfique pour la relaxation de l’ensemble des muscles, sauf, bien évidemment, les muscles respiratoire. C’est ce qui rend l’intubation et la mise sous respirateur artificiel nécessaires lors de l’anesthésie générale. Enfin, la diminution de la douleur est obtenue grâce à des drogues appelées les opioïdes dont le Fentanyl. Ces derniers agissent efficacement sur la douleur mais ne sont pas dépourvus d’effets secondaires. En effet, ils seraient responsables de constipation, de rétention d’urines, de ralentissement respiratoire, de nausées et surtout, de vomissements ! Maintenant que nous avons nos classes de médicaments à administrer et leurs rôles, intéressons-nous à leur séquence d’administration lors d’une induction normale, et qui est : Hypnotiques, en premier, pour suspendre la conscience. Ensuite, morphiniques, pour prévenir la douleur. Et enfin, les curares, pour obtenir le relâchement musculaire.
Durant cette phase, le patient est ventilé au masque. Il ne sera intubé qu’une fois le relâchement musculaire obtenu. La sonde d’intubation est munie d’un ballonnet protégeant les poumons d’éventuelles secrétions ou sang pouvant y pénétrer durant l’intervention. Sauf qu’avant l’intervention, et donc, pendant l’induction, les voies respiratoires ne sont pas protégées, et l’utilisation des opioïdes risquerait de provoquer des vomissements qui pourraient traverser le carrefour aéro-digestif jusqu’aux bronches.
Tandis que lorsqu’on est à jeun, l’estomac est vide et, donc, sécrète beaucoup moins de suc gastrique. Cela n’empêchera peut-être pas les vomissements, mais s’ils ont lieu, ils seraient de très faible abondance.
Qu’en est-il des situations d’urgence, où l’estomac est plein ? On attend quand même en moyenne 6 heures afin que l’estomac se vide un peu. Mais dans tous les cas, les anesthésistes utilisent ce qu’on appelle une induction en séquence rapide, ou dite « crush », durant laquelle l’ordre d’administration des molécules change : les hypnotiques sont toujours administrés en premier. Sont administrés, ensuite, les curares. Et l’intubation peut être à ce moment-là pratiquée, avant même d’administrer les morphiniques, en dernier. L’intubation reste douloureuse, malgré le fait que le patient soit inconscient. C’est pour cette raison que l’on préfère ne la pratiquer qu’après l’administration des analgésiques, dans les interventions programmées. L’exception n’est donc faite que lors de ces situations d’urgence.
Si on doit rester à jeun avant une intervention c’est donc principalement afin de nous protéger des effets de l’induction lors de l’anesthésie générale !
On a répondu, dans cet article, à deux des questionnements pouvant traverser notre esprit, mais n’oublions pas que notre monde est plein de mystères qui n’attendent qu’à être élucidés. Et il se pourrait que vous en élucidiez quelques-uns… Oui ! Vous, qui êtes en train de lire. Fermez cet article, à présent, et ouvrez bien vos yeux, votre cœur et votre esprit sur l’étendue de votre capacité à ajouter des solutions aux énigmes de cette vie !

                                                                         

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