LE MONDE DE SOPHIE


« Qui suis-je ? D’où vient le monde ? » 
LE MONDE DE SOPHIE - de Jostein GAARDER 


Zeina AIT MEDJBER

Tu ne t’es jamais posé cette question "d’où je viens ?" Non pas d’où je viens dans le sens « origine de l’être humain », mais plutôt d’où vient ta pensée ? Oui, ta pensée, ta réflexion, son origine ; cette pensée qui te constitue, qui te fait, te fait agir et te fait penser, inconsciemment, de telle ou telle manière. 
« Nous sommes condamnés à improviser. Nous sommes ces acteurs qu'on a poussés sur scène sans qu'on leur ait distribué de rôle bien défini, sans manuscrit en main et sans souffleur pour murmurer ce que nous avons à faire. Nous seuls devons choisir comment nous voulons vivre. »
D’où vient-elle ? Mais qui te l’a donnée ? D’où l’as-tu prise ? Elle n’est pas venue se nicher en toi par hasard. Elle a bien une origine, une source, une destinée, Un but final… D’où vient-elle ?


Retour aux sources 

Afin de satisfaire cette curiosité, il nous faut remonter loin dans l’histoire. Très loin. Traverser 2000 ans d’histoire. 2000 ans d’hommes. Des années qui défilent au fur et à mesure que les pages se tournent. Des siècles contenus dans 35 chapitres d’un voyage initiatique, où Jostein Gardeer saura, de la plus subtile façon qui soit, nous tenir en haleine jusqu’au big bang final, où le suspense du dénouement battra son plein.
« Qu'est-ce qu'il y a de plus important dans la vie ? Tous les hommes ont évidemment besoin de nourriture. Et aussi d'amour et de tendresse. Mais il y a autre chose dont nous avons tous besoin : "c'est de savoir qui nous sommes et pourquoi nous vivons."
A travers les pages, l’auteur réussit à simplifier l’une des disciplines les plus complexes, les plus exigeantes, et les plus inaccessibles « La philosophie ». Ehhh ! Mais… Où vas-tu ? Reviens ! Ne fuis pas. Il ne s’agit guère de philosophie comme on l’entend. Cette discipline que l’on ne comprenait pas. Dont on ignorait l’utilité, et qui, pourtant, chargeait notre année du BAC (mauvais souvenir pour certains). Non, rien de tel.
Reste donc, et viens participer à l’autopsie de l’histoire de la pensée. Une autopsie descriptive. Plan par plan. Epoque par époque. Gaarder nous expose l’histoire, met à nu nos idées, nos réflexions, nos questionnements, nos étonnements, longtemps restés enfouis en nous.
Toutes ces interrogations que l’on feignait ne pas avoir. Qu’on écartait de notre chemin, par peur sans doute, d’ébranler cette stabilité superficielle. Une stabilité fondée sur quoi ? Sur des années de (fausses ?) croyances.
Voilà que Gaarder nous ouvre une brèche, et nous plonge dans le passé, notre passé. Décideras-tu de participer au grand voyage ? Ou au contraire, choisiras-tu de « rester bien enfoui dans la fourrure du lapin blanc, sorti tout droit du chapeau haut-de-forme de l’univers ».


Un voyage à travers le temps

À partir d’une lettre reçue par un certain Alberto Knox –un parfait inconnu qui se dit professeur de philosophie-, Sophie, jeune fille de bientôt 15ans, va sortir de son train-train quotidien et s’ouvrir au monde qui l’entoure.
Elle va apprendre au fur et à mesure des ‘’cours de philosophie’’ à donner un sens à sa vie. Lettre après lettre, Sophie va voyager, va remonter le temps de la Grèce antique à l’époque contemporaine, en passant par le moyen âge et la renaissance. Elle revisitera le berceau de la pensée humaine : « Athènes ».
« La raison comme la conscience peuvent être comparées à un muscle, si on ne se sert pas d'un muscle, il devient progressivement de plus en plus faible. »
Elle fera la connaissance des plus grands, Socrate, Aristote, Platon, Descartes, Spinoza, Locke, Kant, en passant par Hegel, Kierkegaard, Sartre et tant d’autres.
Elle accompagnera, Marx le communiste, dans sa révolte contre le capitalisme.
Accompagnera Darwin dans sa découverte sur l’origine des espèces et de la sélection naturelle. Le suivra dans son voyage à Galápagos, vivra ces moments de rejet de la part de ses confrères et de la société. Ainsi que sa gloire qui vit le jour en Angleterre, le jour même de sa mort.
Elle découvrira Freud, sa science, sa psychanalyse, sa vie. Et plongera dans ses fouilles "Archéologie de l'âme".
Sophie vivra à travers les pages, elle rallumera la flamme de l’étonnement que l’innocence a étouffé en s’en allant. Elle ravivera notre capacité d’observer ce qui nous entoure, de « voir vraiment », ne pas se contenter de regarder mais de contempler. Poser un regard rétinien sur le monde, tel qu’il est vraiment, et effacer de notre mémoire toute image préconçue, pour ne laisser que la réflexion du réel.


Le Big bang final

À travers ces correspondances et rencontres avec Alberto, Sophie va grandir. Sophie va se distinguer. Sophie va voir ce que les autres ne voient pas. Sophie va s’étonner. Oui, s’étonner tel un enfant qu’aucun dogme, aucune règle, aucune logique n’a encore « taché ».
Sophie va s’émerveiller face à la vie. Oublier cette réaction de « banalité », de « normalité » face aux choses qui nous entourent. Comme si les choses étaient là, existaient car elles se doivent d’exister, et c’est tout. Et oublier de ce fait, de s’interroger, de se demander « pourquoi c’est ainsi et pas autrement ? ». Oublier, en somme, le philosophe qui germe en nous depuis toujours.
Sophie va tout découvrir d’un œil enfantin. Sophie va prendre le temps de percevoir le monde de manière différente et donner un sens pratique à sa quête du bonheur.
Mais… Sophie (?) qui est-elle ? Toi ! Sophie est toi, assurément.



Qui est JosteinGaarder ?


Jostein Gaarder est un intellectuel, écrivain et philosophe norvégien qui a à son actif plusieurs nouvelles, romans et contes pour enfant. L’une de ses caractéristiques et de raconter des histoires à travers les yeux d’enfants, offrant un regard frais et toujours curieux, propice à l’émerveillement et à l’apprentissage. Il a aussi un penchant pour l’imbrication, intercalant des histoires dans des histoires.
Ce parti pris pour les enfants est entre autres dû à sa première profession, professeur de Lycée, où il enseignait la philosophie et l’histoire des idées. Tous ces ingrédients se retrouvent dans l’œuvre qui l’a propulsé sur la scène publique, « Le monde de Sophie », roman traduit dans 60 langues, acclamé à la fois par la critique comme par le large lectorat.

Poil noir dans la fourrure blanche

Un sentiment en lisant les dernières pages que l’auteur allait vite, trop vite. Le suspense cumulé voulait que l’explosion finale en soit digne. Mais hélas, ce ne fut pas le cas. Pressé de finir le scénario ?
En tout cas, la fin était trop facile… Trop simpliste. On en est presque déçu. Comme se jeter dans le vide avec un parachute qui se déclenche trop tôt, à la seconde même du saut. Sans même gouter à l’ivresse du vide. C’est ce qu’on appelle : rester sur sa faim, littéralement.
Autre point, Pour les amateurs de blanche neige, Winnie l’ourson, fifi brin d’acier et j’en passe. Vous serez servis. Gaarder vous offre une rencontre exclusive avec les personnages préférés de votre enfance. Des apparitions, néanmoins, trop répétitives à mon goût. Passer, comme ça, du raisonnement philosophique cartésien, basé sur la logique, l’observation, le réel à des personnages aussi fictifs… j’avoue que la transition est assez difficile. La raison en est maintes fois souffletée par l’apparition sans transition de ces êtres imaginaires et leur conversation à normalité insolente.




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